EURASIA+
Le Mariage de l'Orient et de l'Occident
2018

Masque : crâne huamain trouvé pendant la marche vers Baren.
Eurasia+
Vues de la performance
à l'espace d'art contemporain Chemins Bideak
à Saint-Palais
Est une proposition en deux temps.
D’abord une marche de 850 km à rebours sur le chemin de Compostelle. Partant de Saint Jacques pour arriver à l'espace d'art contemporain Chemins Bideak .
Traditionellement le pèlerinage s’effectue depuis son lieu de vie séculier vers le lieu dit sacré. Ici les statuts s’inversent ou se confondent. Le lieu de pèlerinage devient le centre d’art. Considérer l’art comme le refuge de notre spiritualité dans une société séculière. Marcher vers l’ Est et non plus vers l’ Ouest. Vers un Orient symbole de notre vie intérieur pour le ramener au centre d’art, au centre DE l’art.
Proposer ce pèlerinage à rebours comme premier acte artistique.
Enfin la performance se déroulant dans l’enceinte de Chemin Bideak consistant à rester 4 heures (le temps de l'exposition) debout sur une colonne faite de rondins de bouleau et de deux pierres de taille. Le haut du crâne contre le plafond, mon visage couvert du crâne humain m'ayant servi pour d'autres actions.
Quatre éléments étaient présent autour de la colonne dont un texte en libre service (une copie en bas de cette page) et la video tournant en boucle Eurasia+ le mariage de l'Orient et de l'Occident.


Dorure+feuille d'or
Bouleau
Pierre de taille
Cuir de cochon

Le crâne huamain me servant de masque pour la performance.
Poème écrit à l'encre de Chine.
Extrait de la performance
montée sur la colonne
le texte en libre service faisant partie intégrante de la proposition :
*
L’être humain est un complexe qui se refuse à tous prédicats, à tous
dualismes. Mais il y a des polarités qui nous sont données à expérimenter à travers les phénomènes physiques même. Ils impriment sur nous des images dont l’illusion nous amène parfois près d’un gouffre de non-sens, ou de sur-sens dans lequel chacun peut trouver sa propre vérité.
Mais il n’empêche que les illusions qui nous mènent au gouffre ont leur propre réalité et participent à guider notre parcours.
On m’a dit : «Regarde devant toi! Ne sort pas du chemin! Sinon tu vas te perdre dans des illusions.» C’est un vieux mythe con comme le monde...
Bien sûr que je regarde à coté et que je sors du chemin... et j’ai vu que j’avais un bras droit et une jambe gauche mais que quelque chose résistait à vouloir me diviser. J’ai été aveuglé par les images de ma propre personne et j’ai aimé cette aveuglement. J’ai enfin regardé devant moi et j’ai senti mon pied droit suivit de mon pied gauche, refusant toujours de se chevaucher et me faisant avancer. J’ai senti ma féminité succéder à ma masculinité.
J’ai senti que l’Homme en moi avait peur de quitter le chemin et usait de toute son énergie calculatrice pour y retourner . Pendant que la Femme en moi était si courageuse face à l’inconnu, elle avait tellement confiance devant l’absurdité de mon être-au-monde qu’elle n’avait même pas besoin de réfléchir à quel chemin prendre. J’ai trouvé que ces deux forces en moi étaient belles. Elles étaient mon Orient et mon Occident. Ma gauche et ma droite. Mon intérieur et mon extérieur. Ma raison et ma déraison. Mais alors quelque chose de plus fort encore était devant ou derrière ou... je ne sais pas. Je sentais bien que j’étais en mouvement par l’alliance de leur gestes successifs. Deux polarités s’ exprimant dans un mouvement qui les unissait... Il fallait être en mouvement... Mais pourquoi ? J’ai voulu refuser et m’asseoir.
Là la femme d’en bas a pris la main de l’Homme d’en haut et je ne pouvais que comprendre que j’étais toujours en mouvement entre «en bas» et «en haut» et qu’en moi ces notions se perdaient. Parce que j’étais juste là, ni en haut ni en bas. En moi un mouvement unissait.
Le mariage de l’Orient et de l’Occident, ma véritable oeuvre d’art.
*
Je pars de ce lieu dit sacré. Je refuse de marcher vers l’ Occident. Je vais à rebours vers mon Orient. Je voudrais ramener le sacré au centre d’art.
Je voudrais ramener le sacré au centre DE l’art. À chaque fois que je croise une personne qui marche vers l’ Occident je comprend que j’ai parcourus ce qui lui reste à parcourir et qu’elle a parcouru ce qu’il me reste à parcourir. On se REJOINT à un point toujours nouveau. Nos souffles se croisent. Comme un baiser. Le chemin devient bouche. En vérité je ne suis pas en train de marcher sur Compostelle.
«Être bouche au baiser de nos bouches» est ce que je suis en train de réaliser. «Être bouche au baiser de nos bouches» est la performance que je suis en train de réaliser. Ce fragile bout d’éternité quand les deux souffles se croisent, celui qui va vers l’Orient et celui qui va vers l’Occident.
Ces deux lignes du dogme et du rêve se croisent et éclatent en produisant un hors-du-temps. Dans un art qui devient souffle qui s’unit.
L’art d’un instant infini, celui du mariage de l’ Orient et de l’ Occident. Une image qui vit que dans ma tête, à moins que je la produise.
Un art vécu dans l’intimité de mon souffle, à chaque fois que je te croise, toi qui marche vers l’ Occident.
*
À mon arrivé au centre d’art je couvrirai mon visage avec un crâne mort
et placerai sa fontanelle sur mon front. Je placerai l’ouverture au sacré qu’est la fontanelle contre le mur de l’intellect car derrière mon front siège mon cortex et derrière la fontanelle siège l’Univers. J’unirai encore ces énergies opposées.
Ainsi je serai masqué pour démasquer le personnage qu’est Bertrand Dufau et tenter d’ Être-LÀ. Idée romantique : le théâtre du monde dans lequel nous sommes tous des personnages... Mais il y a un autre théâtre où se jouent nos vies.
*
L’Homme peut-il redevenir cet être lieur, entre ciel et terre, entre Orient
et Occident, entre art et non-art? Aujourd’hui, la praxis est toujours séparer de la poïétique. C’est pratique, ça fait exister le monde du travail
et ça fait exister le monde de l’art. Ça justifie quantité de monnaie. Très bien!
Mais ce n’ est pas la seule vérité. De courts instants ont existé où l’Homme a ressenti l’Union. Par une révolution. Révolution au sens premier est tourner, se retourner. Par un geste à rebours des pensées uniques qui divisent notre nature, certains hommes ont refusés le «progrès» et sont revenus en arrière au moment ou praxis et poïétique se confondent. Un élan à rebours avant la séparation imposée.
Ils ont vécu une forme de plénitude de par cette union.
Mais suis-je seulement prêt à cela ? Suis-je prêt à voir le monde de l’art s’ écrouler et se confondre ainsi à la vie ?
*
La pensée Alchimique nous parle d’un Theatrum Chemicum ou l’oeuvre
est l’itinéraire spirituel de l’Homme. L’oeuvre est la création de l’Homme en tant qu’il se crée lui même.
Une pensée qui place l’ être humain comme une tâche à accomplir et non comme un état qui nous est donné de droit.
Sortir du Theatrum Mundi et quitter le masque de la persona.
La plasticité de la conscience humaine est le réel médium et son évolution est l’Oeuvre. Les «oeuvres d’arts» seraient les reliques de la véritables action plastique qui se joue en toile de fond.
Les oeuvres d’art deviennent porteuses de la mort positive d’un acte ou
de son repos.
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S’ élever? S’enfoncer? En quoi? Contre quoi? Ne vouloir être contre rien.
Le Rien, tout contre lui.
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Pour se reposer de nos actes, on se couche sur la Terre.
L’oeuvre devient alors une relique horizontale. Malgré toute les verticalités auxquelles on assiste.
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Parfois la seule chose qui me semble être véritable est ce qui n’a plus de sens. Ce qui n’est plus une image.
Comme un trou qui aspire le sens, le non-sens et le sur-sens. Comme s’il n’y avait qu’un trou.
C’est la mort? Je ne sais pas je n’ai pas encore osé sauter dedans. C’est une mort.
Avancer amène jusqu’à la mort ? Ah oui... Peut-être.
Je comprends pourquoi ma société tourne en rond et ne veut pas y aller. Elle n’utilise que son pied droit.
Elle refuse le mariage de son Orient et de son Occident car ce mariage fait avancer. Elle refuse le mouvement et stagne dans l’idée de progrès.
Le pieds gauche reste vissé au sol.
Vite!! Allons chercher en notre Orient pourquoi il ne faut pas autant avoir peur de la mort!! Mais n’y allons pas avec raison, allons-y à cheval!
Allons-y escorté d’oiseaux, de cerfs et de serpents !
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Je ne peux parler que pour moi mais je l’écris et pose ici Ma vérité.
C’est précisément ce geste qui m’est sacré. Je crois ici et maintenant que l’art peu être un terrain où l’on peut redéfinir le sacré qu’on nous a volé comme une chose relationnelle et non dogmatique et absolu.
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L’enfant du mariage de notre Orient et de notre Occident est un petit être en mouvement. Chaque mouvement est unique pour chacun et ne saurait être dicté. Je prend le mot sacré comme un concept large qui englobe le mouvement propre à chaque homme de se relier à lui-même et de se sentir dépassé en comprenant toujours qu’il est plus que tous les prédicats qui veulent le définir.
Toujours!
Cette sensation qui est plus que «bertrand dufau» , plus que «un artiste», plus que « 34 ans». Car je ne suis pas «bertrand dufau», ce n’est pas vrai.
Il me semble que je ne suis qu’un mouvement-sentation-épidermique qui relie sans fin mes prédicats à ce qu’ils ne sont pas et que mon Orient a la sagesse de refuser de nommer.
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L’enfant que l’art participe a créer en favorisant l’union de notre Orient et
de notre Occident est un petit être lieur . Il va toujours vers un nouvel être-au-monde. Mais les fois où on l’a vu naître, il a était éduqué avec les anciennes valeurs qui divisent et a était meurtri. Il s’ est recroquevillé sur lui même et est allé travailler...
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